C’est OSSIA qui, le 10 Septembre 1880 va servir d’interprète entre la délégation de l’explorateur et celle du roi de Mbé. De sa propre main, De Brazza rendra hommage à ce collaborateur dont il avait apprécié hautement les services : « Il me sera permis, écrit-il, de dire ici quelques mots d’un homme précieux qui m’a accompagné dans mes voyages : le Batéké OSSIAH, parlant presque tous les idiomes de l’Ogooué et du Congo inférieur était plus qu’un interprète : c’était aussi un précieux conseiller ».
Ensuite Brazza est resté loyal envers ce Roi analphabète en français : il avait pu obtenir de lui qu’il appose au bas du traité un signe et le dit explicitement : « … je lui ai remis un pavillon français et, par le présent document, fait en double et revêtu de son signe et de ma signature, etc… » (Traité du 10 septembre1880).
Après trois longues années d’absence au Congo, les rumeurs allaient bon train sur la validité de l’accord que Makoko avait donné. Pour faire taire ces accusations de duperie, De Brazza a ramené, placé dans un riche coffret de Cristal, la copie du traité ratifié par le Parlement français en Novembre 1882.
Un autre témoignage rapporte que Makoko aurait souhaité voir installé le nouveau village des blancs près de sa résidence à MBé. Ce qui fait que lors de ce voyage, De Brazza était accompagné de 48 personnes dont des représentants des départements ministériels du gouvernement français. Makoko quant à lui, était entouré de ses principaux lieutenants dont NGANTCHOU, M’POCO-NTABA et N’GALIEME-NGALION dont les fonctions à cette époque pouvaient correspondre à celles de nos premiers ministres ou ministre de la défense. En tant qu’intellectuel chacun peut apprécier la situation à sa manière, mais il y a des faits qui sont constants.
Ces dignitaires étaient tous engagés dans des luttes intestines pour le pouvoir. Il ne me semble pas logique qu’ils aient pu laisser le Roi prendre de graves décisions engageant la nation toute entière à la légère et qui plus est, celles-ci engageaient l’avenir du territoire. S’il en était ainsi, cela pouvait avoir pour méfait, d’aviver les tensions au sein du pouvoir. Après ce traité, MBOULIGNAOH ILOO 1er MAKOKO régnera encore 12 ans sur la royauté téké.
Et puis, ces dignitaires étaient parfaitement conscients de la situation d’enclavement dans laquelle se trouvait le royaume. Du riche et intense commerce qui se passait sur la cote maritime, les Batéké ne recevaient que des subsides et ils étaient sans doute enquête d’un facilitateur qui pouvait leur offrir des débouchés. Ces européens qui arpentaient leurs territoires représentaient pour eux, cette opportunité, il suffisait qu’il fût pacifique. Makoko a reçu cette assurance de son ami le Roi RENOKE du Gabon qui lui envoya un émissaire, car Brazza s’était d’abord attaché à Renoké avant qu’il ne se rende compte qu’il était esclavagiste. Dans un message, celui-ci lui fait un portrait élogieux du blanc qui s’apprête à fouler ses terres.
III
Brazza avait aussi instauré la politique des traités systématiques parce qu’il s’agissait là d’un élément majeur de son esprit, de sa formation et donc de son humanisme. Jamais il ne s’est établi où que ce soit sans s’être au préalable accordé avec les populations locales. Après avoir fait la connaissance de la bande côtière du Congo, il va demander au lieutenant de vaisseau Robert Cordier de conclure un accord avec le Maloango le 12 mars 1883.
L’idée même d’employer la violence envers les populations le répugnait. A la fin de sa mission dans le Congo Français en 1898, il apprend que Stanley était entrain d’armer les populations. Déçu, il va déclarer : « J’avais été un messager de la paix dans le Congo. Stanley pousse à la guerre, l’avenir réserve de jolies surprises, et j’avoue que les noirs qui connaissent les dessous des cartes doivent nous trouver d’une bien sale race de seigneurs. »
Après tout cela il est bien difficile de continuer à juger avec autant de sévérité cette rencontre des civilisations, cet acte du 10 septembre qui devait sceller pour longtemps il est vrai, l’avenir des populations de l’Afrique Equatoriale.
IV