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DISCOURS DE M. HENRI LOPES AMBASSADEUR DU CONGO EN FRANCE A L'OCCASION DE LA RECEPTION DE CERTAINS DOCUMENTS D'ARCHIVES PAR LE MEMORIAL PIERRE SAVORGNAN DE BRAZZA.

 

-Le Discours de Mme. Belinda Ayessa Directrice Générale du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza.

Brazzaville,

le 06 mars 2015.

 

 

 

Monsieur le Président de la République,

Monsieur le Ministre de la Culture,

Monsieur l'Ambassadeur de France,

Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

 

 

 

        J'ai l'honneur et le plaisir de remettre officiellement à Monsieur le  Ministre de la culture, Jean- Claude GAKOSSO, un certain nombre de documents de nature à enrichir les archives du Musée. Il s'agit notamment de l'original de la Lettre de nomination du Sergent Malamine comme chef provisoire de la Station française de Ncouna, d'une lettre de Pierre Savorgnan de Brazza à l'un de ses compagnons les plus prestigieux, M. de Chavannnes, de 21 lettres, qui s'échelonnent sur 8 années, de Pierre Savorgnan de Brazza à M. Decases et de quelques autres documents, dont une Copie originale, je dis bien une Copie, du Traité conclu entre le Chef Ngaliémé agissant au nom du Makoko, souverain des Batékés du Congo, et M. Pierre Savorgnan de Brazza, Enseigne de vaisseau, agissant au nom de la France, soit un total de 29 documents.

          Ces pièces nous sont parvenues par le seul fait du hasard. Ils appartenaient à M. Alain Lecomte, un collectionneur de pièces d'art africain, qui était sollicité par différents collectionneurs, notamment américains. Grâce à la compréhension du chef de l'État, S. E. M. le Président de la République, Denis Sassou N'Guesso, efficacement relayé par le Ministre d'État Firmin Ayessa, nous en avons négocié l'achat au profit de l'État congolais.

         Même si cette acquisition est modeste par le nombre de pièces concernées, elle constitue un premier pas dont on mesure l'importance.

         En effet, elle permettra d'abord d'illustrer l'action du patron éponyme de notre capitale.

         Elle constituera ensuite un fond symbolique susceptible de créer un phénomène d'amorce pour l'acquisition d'autres documents  capitaux nécessaire à l'écriture de notre histoire.

         La crédibilité d'une étude historique repose en effet d'abord sur les sources de première main dont ce pays dispose.

         Dans notre cas, le travail de l'historien fait appel à trois types de sources : l'archéologie, la tradition orale, les archives écrites.

         L'archéologie est surtout utile pour l'étude des périodes préhistoriques et protohistoriques. La tradition orale couvre en général des périodes imprécises et dépend à la fois de la fragilité des capacités mémorielles et de la longévité des griots traditionnels qui, à l'instar des aèdes de la Grèce antique, portent dans leurs têtes des archives immatérielles et dont, dans une formule désormais célèbre, le sage Amadou Hampaté Bâ disait, devant le Conseil Exécutif de l'Unesco "En Afrique, chaque fois qu'un vieillard disparaît, c'est une bibliothèque qui brûle".

        En revanche,  les sources écrites, même si elles nécessitent un travail d'authentification et doivent être soumises au crible de la critique méthodique et scientifique du chercheur, permettent de coller de plus près à la réalité et surtout de fournir des repères chronologiques des périodes concernées. En un mot, comme en mille, les sources écrites constituent des témoignages de valeur inestimable.

       La cérémonie à laquelle nous participons, et à laquelle, Monsieur le Président, votre présence donne un lustre et un sens profond, devrait marquer la relance d'un processus évolutif et continu pour la récupération des archives du Congo.

Au milieu du siècle dernier, Léon-Gontran Damas, un poète prestigieux du mouvement de la négritude lançait ce cri pathétique :

"Rendez-les-moi, mes poupées noires"

      Mais où sont donc aujourd'hui, non pas "les neiges d'antan", mais nos poupées noires ?

      La plus grande partie se trouve à l'étranger. Pour l'essentiel en France, mais aussi au Portugal, voire au Vatican. En tout état de cause, les conservateurs actuels de ces richesses ne recevront pas nos demandes de restitutions comme des comportements d'hostilité. Tel n'est pas la mentalité des chercheurs. Ces transferts peuvent fort bien faire l'objet de négociations afin d'acquérir, selon les cas, soit la pièce authentique, soit des copies authentifiées. La technologie moderne, notamment la numérisation, rend aisé ce genre d'opération. Les chercheurs congolais, aussi bien que français, sont déjà sensibilisés pour la mise en œuvre de ce magnifique chantier et je suis persuadé que les autorités françaises sont disposées à dialoguer et agir avec les nôtres dans le cadre d'un partenariat qui reste à déterminer. Parmi les documents qui mériteraient d'être immédiatement traités figurent l'original du Traité entre Savorgnan de Brazza et le Makoko et le fameux rapport de Brazza dont l'historienne Catherine Coquery-Vidrovitch, a, dans un travail récent, mis l’importance en lumière.

     Mais l'acquisition dont bénéficie aujourd'hui le Mausolée Pierre Savorgnan de Brazza nous montre que les États n'ont pas le monopole de la possession de ces archives. Il existe des archives familiales, à l'étranger, comme au Congo, riches de documents non négligeables. La famille Dolisie a fait un premier pas en remettant à la ville éponyme quelques documents intéressants.

     J'ai beaucoup parlé des archives de l'époque coloniale, mais il existe également des archives privées congolaises. Depuis l'Indépendance, des acteurs de la vie politique, ou divers spectateurs, ont couché leurs témoignages soit dans des correspondances, soit dans des journaux intimes. Ne faudrait-il pas, en lançant un appel approprié, les identifier, les recenser, en obtenir la cession, les classer ? Il va de soi, mais encore mieux en le soulignant, que ce travail doit être accompli de manière professionnelle et selon les règles de l'art.

     Aux documents écrits s'ajoutent les documents audiovisuels. Où sont donc les bandes audiovisuelles de la cérémonie de l'Indépendance qui se déroula, la nuit du 14 au 15 août 1960, à quelques pas du lieu où nous nous trouvons ? Sommes-nous en mesure de présenter aux nouvelles générations les documents tangibles des Trois Glorieuses de 1963 ? Où se trouvent les témoignages et les traces tangibles des événements qui ensanglantèrent, il y a bientôt vingt ans, notre pays ? Si nous les avons égarés, des copies existent quelque part. Plus nous repousserons les échéances pour entreprendre ce travail de collecte, plus grandes seront les risques de disparition des pans entiers de notre histoire.

     Dans notre marche sur ce que vous avez nommez si justement, Monsieur le Président, "le chemin de l'avenir", ayons à l'esprit cette réflexion du philosophe allemand Nietzsche :

"L'homme de l'avenir est celui qui aura la mémoire la plus longue".

     Mais recouvrer nos poupées noires, recouvrer les sources de notre histoire suppose la réunion d'un certain nombre de préalables

     Le premier est leur hébergement. Les locaux où sont stockées nos archives doivent présenter des conditions de sécurité maximales. Leurs murs et les systèmes d'accès doivent être aussi soigneusement protégés que ceux d'une banque centrale. Ils doivent par ailleurs bénéficier de conditions microclimatiques les mettant à l'abri de l'humidité, des termites et autres rongeurs.

     De telles infrastructures coûtent chers, mais n'ont pas de prix et doivent précéder la restitution de nos archives à l'étranger.

     Un autre préalable est la formation de spécialistes compétents en matière d'archivage.

    

     Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

     Je vous sais infiniment gré d'avoir, malgré vos emplois du temps, tenu à honorer de votre présence cette cérémonie. Car elle est l'occasion de méditer un instant sur notre passé, donc sur notre devenir.

     À cette occasion, je voudrais vous proposer comme thème de méditation cette remarque d'un Prix Nobel de la Paix bien connu, Élie Wiesel : "Un homme sans passé est plus pauvre qu'un homme sans avenir".

 

 

-Le Discours de Mme. Belinda Ayessa Directrice Générale du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza.

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